A l'époque des prix littéraires,
Dans les secrets de la bibliothèque ?
Premier contact :
la bibliothécaire. Parce qu’une personne qui travaille dans une bibliothèque
est forcément une femme. Une femme un peu poussiéreuse, comme ses livres. Il
faut être un peu démodé pour passer ses journées au milieu des livres,
non ? Une femme entre deux âges, cheveux longs en chignon. L’air pincé
mais pas trop sévère. De grandes lunettes tenues par un cordon. Une jupe longue
et un chemisier à col Claudine. D’ailleurs, elle pourrait tout à fait s’appeler
Claudine. Des collants opaques et des chaussures plates. Pas sexy pour deux
sous la bibliothécaire ! Mais depuis quand a-t-on besoin de séduire dans
une bibliothèque ? Une femme hors du temps donc, qui déambule dans des
rayons, range et classe des livres l’air complètement absorbé par sa tâche.
Dans un lieu où le temps ne semble pas avoir de prise. A quoi
pense-t-elle ? Au roman raté de sa vie ? Parce qu’évidemment elle
n’est pas mariée et n’a pas eu d’enfant. Rêve-t-elle au prince charmant ?
Ah ah ah… Ridicule ! Qui voudrait d’une personne aussi terne et
insipide ? Transparente, elle fait partie des murs de la bibliothèque.
D’ailleurs, qui fréquente encore les bibliothèques ? Alors que tout est
maintenant disponible sur internet à n’importe quelle heure du jour et de la
nuit…. Déambuler dans des rayons de livres tous plus semblables les uns aux
autres ? Quelle perte de temps et quel concept archaïque ! Quel peut
bien être l’intérêt d’aller se perdre sciemment dans ce labyrinthe ? Si
encore, il y a avait quelque chose à gagner à la sortie ! Mais rien !
Juste le passage, en fin de parcours, au bureau de la bibliothécaire pour
enregistrer les livres empruntés... L’ennui absolu et abyssal !
STOOOOOOP ! Halte
aux clichés !
La bibliothécaire ne
vous a rien demandé et n’a pas l’intention de se laisser calomnier ! Il
est urgent de rétablir la vérité ! Tout d’abord, Claudine est un homme.
Non, je vous vois déjà ricaner… pas un trans… un bibliothécaire avec tous ses
attributs masculins. Un bibliothécaire qui a fait des études et s’épanouit dans
son métier. Le reste, sa tenue vestimentaire, ses rêves, ses envies, ses
émotions lui appartiennent. Libre à lui de les partager ou non. C’est un être
humain qui prend plaisir à passer ses journées au milieu des livres. Une
matière vivante aux mille pouvoirs. D’une diversité infinie. Certes, il faut
classer, ranger et réparer. Mais les livres, il faut savoir les choisir. Et
surtout les lire pour s’émouvoir et donner envie aux lecteurs. La bibliothèque
n’est ni un lieu froid ni désincarné. Plus qu’un lieu de passage, c’est surtout
un lieu de partage, de discussion et de transmission. Libre à chacun d’y
adhérer ou non.
ET LE LECTEUR dans tout
ça ? Sans lui point de livres, ni de bibliothèques, ni de sites
internet !
Il est grand temps de
remettre l’église au milieu du village ! Et le lecteur n’a certainement pas l’intention
de se laisser enfermer dans les clichés ! Tantôt compulsif ? Celui
qui lit du matin au soir, du soir au matin, la nuit parfois. Dès le réveil,
dans les transports, aux WC, entre deux rendez-vous. Un livre toujours à portée
de main pour satisfaire l’addiction. Plutôt sélectif ? Celui qui prend
grand soin de choisir les thèmes et les auteurs qu’il souhaite lire. La
spontanéité et la surprise n’ont pas droit de cité dans ses lectures. Ou encore
collectionneur ? Celui qui croule sous les livres. Partout, dans chaque
recoin de sa maison. De la cave au grenier, des livres à conserver, classer,
donner, vendre parfois, réparer, partager, rendre à tous les prêteurs. Mais à
jeter, JAMAIS ! Ou encore contraint ? Celui qui lit par
obligation : parce que quand on est étudiant, on n’a pas le choix de ses
lectures. Ouvrages de spécialistes pédants et barbants pour lesquels il faut
faire des fiches… Le plaisir et le divertissement sont rarement au
rendez-vous ! Ou bien lecteur-zappeur ? Celui qui lit un peu de tout,
sans contrainte. Qui s’intéresse aux dernières sorties littéraires, mais pas
trop, aux dernières thèmes à la mode, mais pas que. Le hasard et son humeur
guident souvent ses choix.
Multiforme et insaisissable, le lecteur a toute liberté. Il
peut flâner et se perdre dans les rayons d’une bibliothèque, comme on s’égare
dans une grande ville. Errer sans but parmi les allées. Observer, écouter,
sentir, toucher. Tous les sens en éveil. Puis décider et choisir un thème, une
ambiance, un chemin. Disparaître dans un des canapés de la bibliothèque pour
commencer la lecture, là, dans l’urgence du moment. Ou au contraire, ranger le
livre précieusement, le garder « pour plus tard » et l’ouvrir chez
lui, comme un rituel, au calme et à l’abri des regards. Lumière tamisée et thé
fumant à proximité.
Et vous, quel genre de lecteur
êtes-vous ?
Pascaline VIOLON 10/11/2021
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